Les Jeunes socialistes suisses ont déposé hier à Berne leur initiative populaire intitulée «99%». Il s’agit d’un thème fiscal. Pourquoi 99% au juste ?
En fait, l’article constitutionnel que les Jeunes Socialistes veulent faire passer vise 1% des contribuables les plus aisés. Il s’agit de leur prendre de l’argent pour le redistribuer aux 99% restants. Voilà. D’où ce titre, destiné apparemment à positiver la démarche. Ça sent un peu la démagogie et le populisme, et c’est tout à fait dans l’air du temps.
Que dit le texte de cette initiative plus précisément ?
Il s’agirait pour l’Etat de taxer spécialement les plus importants revenus du capital. Les intérêts, les dividendes, et même les revenus locatifs. C’est-à-dire les loyers encaissés par les propriétaires d’immeubles.
La loi fixerait un seuil. Par exemple, au hasard, les personnes dont les revenus du capital seraient supérieurs à 5 millions de francs par année. Oui, ça existe. Eh bien les revenus qui dépassent ce seuil seraient taxés à 150%. C’est dans le texte.
150% ? C’est-à-dire plus de 100% ? Mais qu’est ce que ça signifie ?
Eh bien apparemment que ces revenus seraient confisqués à 100%, et que le contribuable visé devrait en plus payer une sorte d’amende de 50%. Les 100% iraient dans les caisses de l’Etat, et les 50% seraient redistribués directement à la classe moyenne et aux plus défavorisés. Sous forme de déductions d’impôts. Ça représenterait certainement plusieurs milliards de francs à l’échelle suisse.
C’est assez spectaculaire comme mesure fiscale et sociale.
Oui, c’est le moins que l’on puisse dire. Et c’est tout à fait dans l’esprit frondeur des initiatives populaires lancées par les Jeunes Socialistes. Bien que le président du PS, Christian Levrat, fasse partie du comité d’initiative. Avec d’autres conseillers nationaux d’ailleurs. Comme le Lausannois Samuel Bendahan. Un éternel adolescent.
Vous pensez que cette initiative populaire a des chances de passer en votation ?
À priori non, aucune. Elle paraîtra trop excessive aux yeux des Suisses. Qui n’aiment pas tellement non plus ce qui semble surtout destiné à attiser la haine sociale. Et puis les précédentes initiatives venant des Jeunes Socialistes ont fait des scores honorables, mais loin du compte. On s’en méfie.
En revanche, ça va donner dans deux ou trois ans un débat qui s’annonce épique.
Ah oui, certainement. Avec à coup sûr une belle bataille de chiffres. Ce sera fracture sociale contre fracture fiscale. On focalisera d’un côté sur les 40% de la fortune privée en Suisse, détenue par 1% des plus riches. Et l’on sait qu’il y a bien d’autres manières de faire parler des chiffres dans ce registre.
Côté fracture fiscale, on rappellera par exemple qu’en Suisse, 10% des contribuables les plus aisés alimentent près de 80% de l’impôt fédéral direct. Ou qu’à Genève, 10% des plus fortunés assurent déjà 80% des recettes de l’impôt sur la fortune. Et que 45% des contribuables n’y paient tout simplement pas d’impôt. Ou moins de mille francs par an. Ce qui n’est guère différent dans le canton de Vaud.
RECTIFICATION
Clément Borgeaud, des Jeunesses socialistes suisses, nous a communiqué la rectification suivante :
En réalité, il s’agit d’un facteur 1.5 qui appliqué aux revenus du capital restant une fois déduction faite du montant forfaitaire. Reprenons notre exemple :
- quelqu’un gagne 6 millions de revenus du capital.
- on en déduit les 5 millions que vous mentionnez comme étant la limite possible (la loi fixera ces modalités)
- il reste 1 million auquel nous appliquons ce fameux facteur de 150%
- il sera donc imposé sur 1.5 million, selon un taux qui reste à définir.
Pour que le lecteur puisse s’en faire une idée tout à fait conforme, nous reproduisons ci-dessous le texte intégral de l’initiative.
La Constitution(1) est modifiée comme suit:
Art. 127a Imposition du revenu du capital et du revenu du travail
1) Les parts du revenu du capital supérieures à un montant défini par la loi sont imposables à hauteur de 150 %.
2) Les recettes supplémentaires qui découlent de l’imposition à hauteur de 150 % au lieu de 100 % des parts du revenu du capital au sens de l’al. 1 sont affectées à une réduction de l’imposition des personnes disposant de petits ou moyens revenus du travail ou à des paiements de transfert en faveur de la prospérité sociale.
3) La loi règle les modalités.