La Confédération a de nouveau enregistré un excédent budgétaire l’an dernier. Près de 3 milliards de francs. On sait déjà que tout cet argent ira dans le désendettement. Bien que tout le monde ne soit pas d’accord avec cette politique.
Oui, les excédents se succèdent depuis douze ans. Et depuis quinze ans, la Suisse a une disposition législative singulière : le frein à l’endettement. Cette loi prévoit entre autres que les excédents sont automatiquement versés au désendettement.
La gauche aimerait que cet argent aille dans le social et les retraites. On la comprend. Les verts dans des investissements durables. La transition énergétique par exemple. Et puis il y a l’innovation dans laquelle la Confédération pourrait investir massivement. Il n’y a plus guère que l’armée qui échappe aux convoitises.
Mais est-ce vraiment nécessaire de réduire encore une dette publique qui est déjà parmi les plus basses du monde ?
C’est une doctrine anticyclique de long terme. Elle a été validée par le peuple en 2001. A 85% des voix. Il s’agit de réduire la dette pour conserver les plus grandes marges de manœuvre en cas de crise.
Les dettes que l’on a en moins, ce sont en fait des réserves latentes. Ça permettra d’emprunter aux meilleures conditions le jour où le système social sera menacé par exemple. Et personne ne sait ce que le vieillissement de la population nous réserve.
Vous parlez de doctrine, mais c’est une doctrine tout de même assez rare dans le monde.
Oui, assez rare mais pas unique. La Norvège ou l’Australie ont des niveaux d’endettement public encore plus bas que la Suisse. C’est surtout l’application du principe qui très stricte ici.
Alors rappelez-nous comment c’est venu. Pourquoi devient-on à ce point doctrinaire ?
C’est simple : il y a eu le traumatisme des années 90. La grande crise immobilière, financière, économique. En 93, le déficit de la Confédération avait frôlé les 10 milliards. Avec les cantons et communes cumulés, ont allait vers les 20 milliards sur un an.
La décennie 90 a accumulé quelque 90 milliards de dettes fédérales. Ce trou a été bouché à environ deux tiers depuis lors. Eh bien il reste encore un tiers à boucher. Avant d’affronter peut-être une nouvelle décennie de revers.
Il n’y a donc pas que le vieillissement et l’augmentation des coûts de la santé. On multiplie en fait les scénarios de crise.
Oui, c’est très conservateur, dans tous les sens du terme. Une crise pourrait venir des mauvaises relations de la Suisse avec l’Union Européenne, par exemple. Ou d’une dérive politique et économique mondiale. Ou encore d’un effondrement des marchés financiers.
Et puis dans l’immédiat, il y a tout de même la réforme de l’imposition des entreprises. Sur laquelle nous voterons en mai. Cette réforme devrait en principe favoriser les activités économiques imposables, mais ça prendra peut-être plusieurs années. D’ici-là, personne ne sait précisément quels seront les manque à gagner fiscaux des communes, des cantons et de la Confédération. Alors hop, on fait des réserves. Chaque année un peu plus si possible.