La justice a acquitté mercredi le policier ayant abattu Hervé, un jeune Congolais armé d'un couteau, lors d'une intervention à Bex (VD) en 2016. L'agent a agi en état de légitime défense, selon le Tribunal. Près de 500 personnes ont manifesté leur colère à Lausanne.
Légitime défense ou geste disproportionné du prévenu, alors caporal, qui devait répondre de meurtre, chef d'accusation passible de cinq ans de prison au moins? Les cinq juges ont tranché, suivant ainsi le réquisitoire du Ministère public qui avait demandé lors du procès la semaine dernière l'abandon des charges et donc l'acquittement.
Le policier "a agi en état de légitime défense et a fait un usage proportionné de son arme à feu. Le meurtre ne peut pas être ainsi retenu", a déclaré Anne-Catherine Page, présidente du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisé à Renens pour l'occasion.
Risque d'être touché au visage ou au cou
La cour criminelle a estimé qu'il n'était pas possible de repousser l'attaque au couteau à pain par d'autres moyens vu la proximité et la rapidité de celle-ci. "L'attaque était actuelle, imminente, sérieuse et illicite. Elle portait atteinte à la vie ou à l'intégrité corporelle", selon le verdict de la présidente.
Hervé "surplombait" le policier avec un couteau "brandi en hauteur": il y avait un risque pour le policier d'être frappé au visage ou au cou, selon le tribunal. "Dans ce contexte, l'arme à feu était le seul moyen efficace pour contrer la rapidité de l'attaque", a dit Mme Page. Il ne peut pas lui être reproché d'avoir tiré et même trois coups, selon le tribunal qui a admis la "proportionnalité" de la réaction et du geste du policier par rapport au danger.
Dans un état second
Pour rappel, les faits remontent au dimanche soir 6 novembre 2016. Une patrouille de police avait été alertée en raison d'un grabuge dans un immeuble de Bex. Sur place, Hervé, père de famille de 27 ans, avait défoncé une porte et réveillé un voisin, faisant mine de l'égorger avec un couteau à pain avant de le laisser tranquille.
Arrivés sur place, cinq policiers avaient essayé de calmer Hervé, drogué et dans un état second, avant que celui-ci s'en prenne à un des agents en lui courant après avec le couteau à la main. Puis il s'était dirigé et rapproché du caporal, aujourd'hui âgé de 52 ans, le menaçant avec le couteau. Le policier avait dégaîné et tiré trois coups de feu, atteignant la victime à la cuisse et au thorax.
"Ni un méchant ni un délinquant"
La présidente du tribunal a eu des mots empathiques pour la famille d'Hervé présente au verdict. "Ce jugement n'implique pas que votre fils était un méchant ou un délinquant. Il y a eu un concours de circonstances entre son état psychique et l'intervention de la police ce jour-là".
L'avocat de la famille a aussitôt affirmé à la sortie du tribunal que la partie plaignante ferait appel à ce jugement. "Nous sommes très déçus du verdict, même s'il était prévisible dès le premier jour du procès puisque le tribunal nous a refusé de se rendre sur la scène du crime et de faire une reconstitution des faits", a déclaré Ludovic Tirelli.
Il a néanmoins dit avoir apprécié les "mots très justes pour la famille" de la part de la présidente. La lecture du jugement était "sobre et respectueuse" à l'encontre d'Hervé, a reconnu M. Tirelli.
Soulagé et triste
De son côté, l'avocate du policier, Odile Pelet, a affirmé que son client était "très soulagé de cette décision (...) d'être enfin libéré de l'accusation de meurtre après plus de quatre ans d'enquête". Et d'ajouter: "Il est triste pour la famille et comprend sa colère".
La mort d'Hervé avait suscité de nombreuses réactions. Plusieurs centaines de personnes avaient manifesté quelques jours plus tard à Lausanne pour rendre hommage à la victime et dénoncer "un profilage racial" de la police. La République démocratique du Congo (RDC) était également intervenue pour demander des explications aux autorités suisses.
Manifestation en soirée
Mercredi à Renens, à l'extérieur du Tribunal, une quinzaine de jeunes de différents collectifs étaient présents pour la lecture du jugement, en solidarité avec la famille d'Hervé et en mémoire de la victime. En début de soirée, quelque 500 personnes se sont réunies au centre-ville pour crier leur colère et dénoncer "un meurtre policier".
"Un Noir peut être une bonne personne. S'il se retrouve au mauvais endroit, il meurt. C'est notre quotidien", a lancé un des orateurs qui a appelé à continuer le combat. "Je ne lâcherai pas l'affaire."
Après un rassemblement à la Riponne, les participants ont défilé en ville et se sont dirigés vers Montbenon, le siège du tribunal d'arrondissement de Lausanne, où ils ont observé une minute de silence.
Cet article a été publié automatiquement. Source : ats