Sur les hauts de Commugny, dans une maison habitée par deux retraitées, se joue depuis vingt ans une histoire de dévouement pour le moins commune en Suisse. Jean-Georges, 75 ans, est le proche aidant de sa compagne Jacqueline, 93 ans. Dans le pays, une personne sur quatre s’occupe plusieurs fois par semaine d’un être cher atteint d’une maladie, d’un handicap ou devenu fragile avec l’âge. Une situation que Jean-Georges avait à cœur de raconter.
Atteinte d’une maladie à l’estomac, Jaqueline a subi une ablation du côlon en 2020. Depuis, sans l’attention quotidienne de celui qui partage sa vie, il lui serait devenu impossible de vivre seule chez elle. "On s'investit tellement qu'on ne prend pas soin de soi-même, on s'oublie", raconte le retraité lui-même atteint d'un diabète de type 2 et dont la santé fragile lui impose parfois de ralentir. "Je suis déjà tombé d'épuisement", explique t-il aux côtés de Jacqueline. Cette dernière étant en fauteuil roulant, il s'occupe de tout ; de la cuisine, des soins et de la maintenance de la maison, ainsi que du jardin.
Soins les yeux fermés
Pour l'aider et surtout, pour laisser à sa compagne une part d'intimité, une infirmière vient matins et soirs pour l'habiller, et lui faire sa toilette. Pour le reste, notamment le changement de sa stomie, c'est-à-dire la poche chirurgicale qui fournit un moyen pour la collecte des déchets, c'est lui qui s'en charge: "maintenant je pourrais le faire les yeux fermés", plaisante celui qui explique avoir appris "sur le tas" et en regardant faire le personnel soignant.
"On en parle, mais on ne fait rien, et en attendant, on fait faire des économies aux assurances maladies"
Un personnel soignant à domicile qui n'a jamais aussi sollicité à Genève et en Suisse que dernièrement. En 2024, 27 200 personnes ont bénéficié de prestations d’aide et de soins à domicile dans le canton de Genève. Soit 9% de plus qu'en 2023.
Girafe trop chère
Jean Georges estime que le statut de proche aidant n'est pas assez reconnu et que des mesures politiques devraient être prises pour soutenir ce travail aux frontières floues, qui ne bénéficie d'aucune rémunération. Pourtant, la médicalisation à la maison a un coût.
"Ce n'est pas 4 heures de travail par jour, mais 48 heures de travail par jour"
Entre lit médical assisté et girafe lève personne, pour ne pas porter directement la patiente, il faut compter plusieurs milliers de francs. Un montant pour lequel Jean-Georges ne peut pas payer, il a donc décidé de louer le matériel.
Rester chez soi
Le placement en EMS, le couple y a déjà pensé. "Il y a des listes longues comme le mois de janvier", plaisante Jean Georges pour qui c'est aussi un choix personnel de maintenir sa compagne à domicile. "J'aurais peur qu'elle s'ennuie", explique-t-il alors qu'il énumère leurs passe-temps entre scrabble et observation des oiseaux du jardin. Tant que les deux retraités le "peuvent", comme dit Jean Georges, "autant rester dans sa maison".