L'Ecographie de François Schaller.
On parle beaucoup de Magic Leap en Suisse depuis hier. La société américaine veut s’implanter sur le site de l’Ecole polytechnique de Lausanne. Après Zurich. Et ce n’est pas une entreprise banale de technologies. C’est même une curiosité qui attire un maximum d’attention.
Oui, dans sa catégorie du moins. C’est une entreprise créée au début de la décennie par un dénommé Rony Abovitz. Pas du côté de San Francisco d’ailleurs, mais en Floride figurez-vous. Magic Leap est aujourd’hui au centre des développements les plus avancés dans ce qu’on appelle la réalité augmentée. C’est-à-dire la superposition d’images de synthèse sur ce que l’on voit réellement.
Allez : supposons que vous vous trouviez en ce moment à Yvoire ou sur la plage de Prangins. Vous avez envie de voir le Bol d’or Mirabaud qui a eu lieu en juin. Vous mettez vos lunettes. Vous activez l’application sur votre smartphone et vous y êtes. Le lac est réel, les bateaux sont virtuels et vous pouvez tourner la tête. Oui, comme si vous y étiez.
Ca, c’est du simple divertissement. Mais les domaines de la vie et de l’économie qui pourraient être bouleversés par la réalité augmentée sont apparemment très nombreux. Et les lunettes ne sont qu’une étape. L’objectif ultime, c’est de s’en passer grâce à des implants oculaires. Oui je sais, ça fait peur. Mais tant de réalisations devenues banales en chirurgie ont aussi commencé par faire peur !
On ne sait pas encore très bien par quel bout la réalité augmentée va tout changer. Mais les géants du numérique y travaillent assidument. Magic Leap, ça veut dire «bon en avant». C’est un style terriblement américain.
Rony Abovitz, un gaillard à lunettes justement, un peu lipu, au carisme incertain… qui n’a pas réussi à convaincre Beyoncé lors d’une démo. Elle se serait ennuyée. Mais Lebovitz inspire confiance, envers et contre tout.
Contrairement à ses grands rivaux, Magic Leap est un pure player. Et dans le genre supérieurement ambitieux. Limite mégalo. Son seul et unique objectif est de s’imposer en leader de la réalité augmentée quand la réalité augmentée explosera commercialement. Pourquoi pas un futur GAFA à lui tout seul ?
Sur le site de l’EPF de Lausanne, les start-up triomphent lorsqu’elles ont réussi la lever quelques dizaines de millions de francs. Magic Leap n’a encore rien commercialisé de significatif. Mais a déjà levé deux milliards de dollars. Le rival Google figure parmi les investisseurs, on ne sait jamais. Les Chinois d’Alibaba également. L’entreprise a même été valorisée à 6 milliards par l’agence Bloomberg. En fait, Magic Leap est un peu devenu le symbole grinçant d’une nouvelle bulle technologique dont on craint qu’elle éclate comme en 2001.
Ce n’est évidemment pas ce que l’on souhaite à Lausanne. Alors ne soyons pas trop suspicieux… A ce stade, il s’agit surtout d’une reconnaissance. Et à l’échelle du monde. De ce que l’EPFL développe depuis des années dans la science cruciale des signaux optiques. La photonique.