Ce départ précipité ne me surprend pas, il me choque. Je considère que cette démarche s’inscrit dans le mouvement de suspicion qui traverse actuellement les milieux politiques. Je suis pourtant d’avis que renvoyer séance tenante le patron de la direction Patrik Gisel, alors que son départ était agendé pour la fin de l’année, tient de l’excès. A croire que les dirigeants de la troisième banque de Suisse ont perdu leur calme légendaire.
Le conseil d’administration veut nous faire croire qu’il ne savait rien de la romance du président de la direction avec une ancienne administratrice genevoise Laurence de la Serna, directrice générale de Jean Gallay S.A., et représentante du Conseil d’Etat au conseil d’administration des Services industriels de Genève (SIG). Or le couple a posé pour le photographe lors de la Journée des banquiers qui s’est tenue en septembre au bout du lac. Que la romance ait débuté alors que Madame était encore au conseil d’administration de Raiffeisen –elle l’a quitté pour des raisons personnelles- peu importe. Cette liaison était publique depuis plusieurs semaines. J’ai le sentiment que le nouveau conseil a voulu réaliser un grand coup la veille de l’assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue samedi à Brugg, dans le canton d’Argovie.
Les romances sont chose courante dans le milieu professionnel
Effectivement, je pense que nos auditeurs pourraient en témoigner. Et la plupart du temps, lorsqu’elles doivent s’inscrire dans la durée, les amoureux savent prendre des dispositions pour dissiper les malentendus. Je connais deux responsables de succursales d’une grande banque suisse qui ont résolu le problème en prenant des distances sur le plan professionnel. L’un a rejoint une autre banque, l’autre a entamé une reconversion dans une autre institution. Des couples engagés dans la police, la santé publique et les médias sont monnaie courante. L’important est que cela ne perturbe pas le fonctionnement de l’entreprise, ne serait-ce qu’en raison d’un lien hiérarchique trop direct.
En politique, les couples sont aussi nombreux
Et les partis les cautionnent. L’ancien conseiller aux Etats vaudois Michel Béguelin filait le parfait amour avec Marlyse Dormond, élue au Conseil national. Géraldine Savary, dont on parle beaucoup ces jours, est la compagne de Gérard Junod, syndic de Lausanne, le conseiller national Roger Nordmann, chef du groupe socialiste, est le compagnon de Florence Germond, municipale lausannoise en charge des finances. La liste est longue. Et si on peut s’interroger sur le poids d’un couple dans un parti, la pratique démontre qu’il n’y a pas d’incompatibilité. L’époux de la conseillère d’Etat vaudoise Béatrice Métraux est l’inspecteur cantonal des forêts. Mais il n’y a aucun rapport hiérarchique entre eux. Il arrive aussi que l’amour soit plus fort que les opinions politiques. Il y a une bonne trentaine d’années, un conseiller d’Etat vaudois Jean-François Leuba, libéral, avait épousé la députée socialiste Mariette Rossi. Celle-ci avait alors quitté le Parlement cantonal.
Il est même arrivé qu’une autorité doive traiter une situation de ce type
Celle qui me vient à l’esprit concerne Genève. Alors qu’il traitait procédure de divorce, un président de Tribunal de première instance était tombé amoureux d’une justiciable. Interpellé, le Conseil de la magistrature avait estimé que la procédure n’avait en rien été viciée. L’affaire, confinée dans les murs du Palais de justice, alimentait les conversations dans les cabinets d’avocats. Elle est devenue publique lorsque le magistrat s’est engagé dans la course au parquet. Malgré l’acharnement de ses adversaires, il a fait une belle carrière de procureur général. Alors évitons de tomber dans le puritanisme.