Les partis et les milieux de la recherche sont soulagés par le refus dans les urnes de l'initiative sur l'interdiction de l'expérimentation animale. Ils y voient une reconnaissance de l'importance de l'innovation pour la Suisse. Le peuple a balayé le texte par 79,1%. Tous les cantons l'ont également rejeté.
Les Suisses n'ont laissé aucune chance à l'initiative "Oui à l'interdiction de l'expérimentation animale et humaine - Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès". Les taux de rejet oscillent entre 68,5% (TI) et 83,4% (OW). Même à Saint-Gall, "patrie des initiants", le texte n'a obtenu que 21,9% de oui.
L'initiative n'était soutenue ni par le Conseil fédéral, ni par les partis, ni par l'économie, ni par la recherche. Elle demandait l'interdiction de toute expérimentation tant sur les animaux que sur les humains. L'importation de nouveaux médicaments ou de produits existants pour de nouvelles indications aurait aussi été prohibée si des essais étaient réalisés à l'étranger.
Menace sur la santé
Interrogé par l'agence Keystone-ATS, le comité des opposants est "très heureux" du résultat. Celui-ci est plus net qu'attendu. Le peuple a compris qu'une interdiction menacerait la santé des animaux et des humains, a indiqué la conseillère aux Etats Andrea Gmür (Le Centre/LU). Ce rejet, ainsi que celui du texte en faveur des droits des primates à Bâle renforce la recherche en Suisse ainsi que l'approvisionnement en soins
Le rejet est un peu plus élevé qu'attendu, constate le conseiller national Martin Haab (UDC/ZH). La pandémie de Covid-19 a peut-être joué un rôle: les gens ont réalisé que si l'initiative était déjà en vigueur, ils n'auraient pas eu accès aux vaccins.
Pas de carte blanche
La conseillère nationale Simone de Montmollin (PLR/GE) souligne que la législation suisse en la matière est déjà très exigeante et évolutive. Cependant, ce non ne constitue en rien une carte blanche pour les chercheurs. Il faut toujours chercher des alternatives. Mais il y a des situations où une substance ou un traitement doivent être validés par des expérimentations. De son côté, la conseillère nationale Léonore Porchet (Verts/VD) estime qu'il convient d'investir encore davantage afin de restreindre au maximum le recours à ces essais.
Pour l'association de l'industrie pharmaceutique Interpharma, le peuple a reconnu l'importance de la place de la Suisse pour la recherche et l'innovation. Il a ainsi garanti l'accès des patients à des médicaments innovants et efficaces.
Dans un communiqué, son directeur, René Buholzer, assure que la branche "va continuer à s'engager activement pour la mise en oeuvre des 3R (Replace, Reduce, Refine) et contribuer ainsi à réduire le nombre d'animaux de laboratoire et les contraintes auxquelles ils sont soumis." Economiesuisse, la faîtière de l'économie réagit dans le même sens.
Les initiants ne baissent pas les bras
Du côté des initiants, la déception est vive. Coprésident du comité, Renato Werndli comptait sur l'empathie de la population. "Nous avons tenté de convaincre avec des faits scientifiques, a-t-il déclaré à Keystone-ATS, mais on ne nous a pas crus."
Le médecin saint-gallois estime cependant que la campagne n'a pas été vaine. L'initiative a exercé une pression sur le Conseil fédéral, qui a lancé au printemps 2021 le Programme national de recherche "Advancing 3R – animaux, recherche et société" (PNR 79) afin de réduire le recours à l'expérimentation animale.
Les initiants n'entendent pas baisser les bras: "Les animaux ne peuvent pas se défendre eux-mêmes - nous ne pouvons pas les laisser tomber", lance Renato Werndli. Qui compte bien relancer le sujet d'ici quelques années. "Nous nous réunirons demain déjà afin de planifier la prochaine initiative".