Le Tribunal fédéral a invalidé dans son arrêt du 25 octobre dernier l’initiative populaire lancée par l’ASLOCA intitulée « Construisons des logements pour toutes et tous : davantage de coopératives et de logements bon marché! ».
Pour comprendre la portée de cette décision, il faut d’abord connaître dans les grandes lignes le système législatif genevois destiné à contrôler le type de logements constructibles à Genève.
Il faut en effet savoir que le territoire genevois distingue globalement les zones ordinaires, ou l’Etat n’impose pas de types de logements spécifiques à construire, et les zones de développement, qui sont régies par la loi générale sur les zones de développement, soit la LGZD.
Actuellement, l’article 4A de la LGZD impose qu’un propriétaire d’un terrain situé en zone de développement construise au moins 30% de logements locatifs dont les loyers sont contrôlés par l’Etat, ou qu’il cède 25% des logements à des collectivités ou organismes sans but lucratif, comme des coopératives d’habitation. Dans ce contexte, l’Etat va vérifier l’équilibre financier de toute l’opération, imposer des loyers abordables et contrôler le prix de vente des appartements en propriété.
Que souhaitait l’ASLOCA par son initiative populaire ?
L’ASLOCA souhaitait modifier l’article 4A LGZD pour que les propriétaires de terrains en zone de développement soient forcés à construire au moins 80% de logements locatifs, dont la moitié seraient contrôlés par l’Etat. En plus de cela, les propriétaires seraient obligés de céder la moitié des logements à des collectivités publiques ou des organismes sans but lucratif comme des coopératives d’habitation.
Pour quelles raisons le Tribunal fédéral a-t-il invalidé cette initiative ?
Il faut savoir que l’initiative avait déjà été partiellement invalidée par la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de Genève qui avait trouvé l’initiative peu claire et disproportionnée par rapport à l’atteinte fondamentale qu’elle représentait au regard du droit constitutionnel à la propriété et à la liberté économique.
Le Tribunal fédéral l’a suivi dans ce raisonnement en considérant que l’atteinte à la garantie de la propriété serait particulièrement grave puisqu’un propriétaire d’un terrain serait contraint de vendre la moitié des logements à construire à des organismes sans but lucratif. Le Tribunal fédéral a également considéré que le texte de l’initiative n’était pas suffisamment clair pour justifier une atteinte aussi grave à la propriété et qu’ainsi les citoyens ne seraient pas en mesure de s’exprimer en connaissance de cause sur cette nouvelle contrainte étatique. Contrairement à la Cour cantonale, le Tribunal fédéral a considéré qu’il fallait intégralement invalider cette initiative.
Quelles sont les conséquences politiques de cette décision ?
Cette décision relance le débat sur la nécessité de promouvoir ou non l’accession à la propriété, ce que souhaite la chambre genevoise immobilière et la droite plus généralement, tandis que la gauche souhaite davantage de logements locatifs et empêcher que les propriétaires puissent faire de l’argent en louant des logements.
Il faut rappeler dans ce contexte que Genève compte moins de 20% de propriétaires et que la demande d’appartements en propriété par étages est très importante, compte tenu notamment des taux hypothécaires actuels historiquement bas.
Cédric Lenoir est avocat spécialisé en droit immobilier au sein de l’Etude LENOIR DELGADO & Associés.