Je vous avoue que je détestais ça quand j’étais enfant. C’est peut-être pour cela que je suis plutôt de petite taille, mais bon …
Du coup en grandissant, je me suis mise à aimer les soupes. Mais je n’ai pas toujours le temps de les faire à la maison, alors il m’arrive d’en acheter. Quelle ne fut pas ma surprise quand, à la Migros, j’ai découvert un emballage pour le moins surprenant :
Un paquet bleu « pour les champions », dont les petites pâtes représentent des ballons de foot et des coupes sportives. Et un paquet rose « pour les glamour queen », les reines glamour, dont les pâtes sont en forme d’étoile.
Comme c’est mignon ! Alors du coup je dois prendre quoi, moi, pour mon dîner ? La bleue, sous peine de me transformer en footballeur transpirant ? la rose, et je me retrouve avec une couronne et un chiot en laisse ?
Migros n’est bien sûr pas la première entreprise à faire une différence entre les clients, et les clientes. Cela s’appelle du marketing genré : ils s’adressent aux clichés enfouis à l’intérieur de nous, conscients ou inconscients, pour susciter l’adhésion et donc l’acte d’achat.
Cette distinction tout à fait rétrograde, je l’ai souvent rencontrée en tant que maman, qui flâne dans les rayons « jeunesse » des boutiques de fringue, de jouets ou de librairies. Allez un jour au rayon petites filles de H & M, et vous devrez immédiatement enfiler vos lunettes de soleil, afin d’éviter de devenir aveugle à cause des accumulations de paillettes et de rose fluo sur absolument tous les habits, des culottes aux collants.
Même problème à la bibliothèque, où l’on peut trouver « des histoires de pirate » à lire avec mon petit garçon, et des « histoires de poupées » à lire avec ma petite fille. C’est édité par la maison Fleurus. Donc si j’ai une fille qui aime les pirates, et un garçon qui aime les poupées, je fais quoi ? Faudra lui expliquer que normalement quand on est un garçon on préfère les pirates aux poupées. Vous voyez le problème ?
Ca n’a l’air de rien, mais ce genre de marketing genré, c’est quelque chose de ravageur, parce que petit à petit, ça distille dans nos veines une norme. Et la norme ça fait mal, parce qu’on la transgresse toujours un peu. Ou on a peur de la transgresser. La norme, c’est qu’un prince charmant peut venir réveiller une princesse endormie. La norme, c’est qu’un vrai mec doit aimer les sabres et les crampons. Et la norme, c’est ce que fait la Migros, c’est qu’on préfère une soupe rose avec des étoiles si on est une petite fille slash princesse.
C’est étonnant que ce genre de marketing existe encore, alors que le débat sur le genre, les droits des femmes, etc, n’a jamais été aussi important !
Et je dirais même plus : ce marketing genré existait moins avant ! Du temps de nos parents, l’industrie fabriquait des tricots blancs pour nos gamins, des pulls bleus et des pantalons de velours rouge. Et puis voilà. Faire la distinction de genre, dans le marketing, s’est accentué ces dernières années, peut-être parce que la concurrence est plus forte et qu’il faut se battre pour trouver des clients. Mais peut-être est-ce aussi un réflexe rétrograde. Se dire que le consommateur envahi par le débat #metoo sera peut être rassuré par des bons vieux stéréotypes dépassés.
Attention, je suis loin d’être la seule à m’offusquer de la tendance réactionnaire des services marketing de la Migros : sur les réseaux sociaux cette semaine, il y a eu un véritable déchaînement contre les dénommées « soupes sexistes », qui ont donné lieu à des articles.
En retour, le service de presse du supermarché orange assume et se justifie en disant que « bon nombre d’enfants réagit à ce genre de design ».
Eh bien moi je pense d’abord que les enfants n’ont pas de portefeuille – et heureusement, sinon ma maison serait tapissée de Pat Patrouille et Peppa Pig.
Et que nous, adultes, devons choisir ce qui nous paraît le plus juste, le plus sain. Dans le textile, plusieurs marques comme Hema ou Zara ont commencé à lancer des gammes unisexe. Pareil dans l’édition.
Quant aux soupes, ma grand mère avait raison : rien ne vaut une bonne soupe maison ! Sans rancune.