Une juge s’endort en pleine audience.
Et pas n’importe quelle audience, celle du jugement en appel, donc devant la juridiction supérieure, d’un accusé condamné en première instance pour assassinat, viols, contrainte sexuelle, violences et séquestrations…
Pire encore, la somnolence de la Cour, car celle-ci est indivisible, intervient au moment qui devrait être le plus solennel lorsque l’accusé plaide l’acquittement, celui des plaidoiries de la défense !
Pourquoi Genève rate ses grands procès ? se demande la Julie – c’est par ce surnom affectueux que les Genevois désignent leur quotidien.
Et la Tribune d’égrainer le procès de la BCG, l’affaire Adeline, l’affaire Sperisen…
La réponse est simple : notre justice pénale est malade.
Et cela, pas tant par la faute des magistrats qui l’incarnent que par celle de nos institutions judiciaires elles-mêmes.
Le Code de procédure pénale suisse qui a finalement remplacé les 26 codes cantonaux en 2011 a considérablement affaibli un principe essentiel du procès équitable, celui de l’immédiateté.
C’est ce principe qui veut que le juge ait la connaissance la plus directe possible des moyens de preuves à charge que l’accusation doit apporter car c’est à elle qu’il appartient d’établir la culpabilité de l’accusé et non à celui-ci d’établir son innocence.
Oui, c’est ce qu’on appelle la présomption d’innocence : l’accusé est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.
Et cette preuve doit être rapportée devant le juge et lui seul.
Or notre procédure pénale actuelle prévoit parmi les attributions exorbitantes du Ministère public que c’est le procureur qui instruit l’affaire et que le juge ne doit plus juger que sur la base du dossier.
Il ne s’agit plus pour les tribunaux de convoquer des témoins, d’ordonner des expertises, de confronter les parties, en bref d’élucider les faits, mais bien de donner une motivation raisonnée, à défaut d’être raisonnable, d’une décision qui a déjà été prise avant le procès.
Oui, nos tribunaux sont hélas devenus des instances de justification formelle voire d’homologation des décisions prises par le Ministère public.
Et quoi de plus normal lorsque les débats ne sont plus qu’une simple formalité ?
Dans ce genre de système réellement contre-nature, les juges entrent dans la salle d’audience en s’étant déjà fait leur religion, ils sont prévenus, comme l’on dit.
Rien d’étonnant à ce qu’il ne se sentent plus très concernés par les débats, au point de s’endormir au beau milieu des plaidoiries…
Quelle solution proposez-vous ?
Il est temps cher Philippe de restaurer l’institution judiciaire la plus démocratique qui soit, celle du jury populaire.
Son abolition constitue l’une des plus graves régressions de la protection du justiciable contre l’arbitraire de l’Etat.
Il faut que le peuple récupère le contrôle de sa justice et que ce ne soit plus seulement d’autres juges qui contrôlent ce que font les tribunaux.
Et je vous parle du véritable jury populaire, du jury à l’américaine, celui d’Henry Fonda dans « 12 hommes en colère », le jury où seuls les jurés délibèrent sans l’intervention d’aucun magistrat pour décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé.
Ces juges d’un seul procès, tirés au sort et non politisés sont les seuls réellement capables de juger en toute impartialité, sans faire acception de personnes et sans être mus par des considérations partisanes ou idéologiques.
C’est devant eux que l’accusation et la défense sont vraiment sur un pied d’égalité.
Ce sont eux qui ne craignent pas de condamner le coupable comme d’acquitter l’innocent sans se préoccuper des conséquences pour l’Etat, par exemple lorsqu’un accusé a été détenu injustement durant de nombreuses années par la décision d’un procureur et d’autres juges.
Si un juge habitué est un juge mort pour la justice comme le disait Charles Péguy, le jury populaire sera le salut de notre justice.
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