C’est la nouvelle de la semaine chez tous les grands enfants, ex-fans de Henri Dès que nous sommes, vous et moi y compris évidemment : notre ancien meilleur ami - après notre doudou - se produira au mois d’août prochain non pas dans un festival pour enfants, voire à Paléo où tout le monde vient en famille, mais au festival Motocultor, en Bretagne, la Mecque des festivals de death et de black metal en France, là où les metallos brûlent des croix sur scène ou s’aspergent de sang de porc. Il y interprétera des versions revisitées, voire carrément énervées, de ses tubes pour enfants, avec son fils Pierrick Detraz et le groupe qu’ils ont créé sous le nom «Henri Dès & Ze Grands gamins».
L’annonce a d’abord passé pour une plaisanterie auprès des fans du festival et de metal rock avant de susciter un raz-de-marée de sympathie sur la toile. La publication du festival a été likée et partagée des milliers de fois, le grand quotidien Ouest France titre «Henri Dès en tête d’affiche et ça n’est pas une blague», la presse nationale française, et suisse, reprend joyeusement en chœur la nouvelle, Henri Dès s’annonce désormais comme la tête d’affiche du festival Motocultor - bref, l’événement prend des proportions énormes, c’est carrément de la folie.
C’est quoi ce binz, comme dirait Jacquouille la Fripouille? On salue l’ouverture d’esprit des metalleux, leur sens de la dérision, de l’ironie, de l’humour. On salue la pêche éternelle d’Henri Dès, sa modernité incroyable, son humour à lui, son aspect hyperfédérateur. Bien sûr, il est drôle, sympa, tout le monde l’aime beaucoup, mais ce n’est pas du tout cela qui explique le buzz.
Vous vous souvenez du succès énorme de la tournée «Age tendre»? Cette tournée qui invitait toutes les stars des années 80 à reprendre leur tube, 30 ans après, pour les resservir au public d’alors devenu bien quinqua mais nostalgique de ses jeunes années et de sa folle jeunesse? En fait, les fans de metal sont des gens comme les autres: tout fan de metal qu’ils soient, ils ont été biberonné par Henri Dès quand ils étaient petits sur les genoux de leur maman, qui les accompagnait au concert pour reprendre en chœur «La Petite Charlotte» ou «Un Petit poisson» et, maintenant qu’ils ont 30, 40 ou 50 ans (car oui, Henri Dès chante pour les enfants depuis l’an de grâce 1977), ils ont la maladie non pas de l’amour mais de la … nostalgie.
Quelle déception ! Ça se dit gros dur, ça joue les gros bras dans les salles de concert ou sur des grosses Harley sur les routes, ça descend des hectolitres de bières et de vodka, ça se tatoue les biceps avec des têtes de mort, ça fait hurler les décibels sur scène, ça la joue gore, destroy, ça veut choquer le bourgeois, mais comme tous les autres, les metalleux craquent lorsqu’on leur rappelle leur âge tendre et les couettes de leur voisine. On se disait: enfin, des hommes, des vrais, ces rockeurs… les derniers, pas de fiottes, pas des fillettes, pas des bobos, pas des hipsters, pas des intellos. Mais voilà qu’eux aussi craquent et se mettent à chouiner sur le bon vieux temps de leur enfance. Et on assistera à ce spectacle affligeant: des métalleux reprendre en chœur «La Petite Charlotte», leur madeleine de Proust. C’est si bien, hier, n’est-ce pas!?