Luke Perry est mort. L’acteur américain est décédé d’un AVC à l’âge de 52 ans, et toutes les filles nées dans les années 1970 et 1980 sont tristes : Luke Perry, c’était Dylan McKay, le héros beau gosse de la série télévisée Beverly Hills, diffusé en France et en Suisse de 1993 à 2001. Toutes les filles étaient amoureuses de Dylan, avaient son poster au mur et rêvaient que le bad boy viennent les chercher avec sa moto et son tshirt moulant.
Du coup, des tas de bébés portant le prénom de Dylan sont nés dès le milieu des années 1990. Les statistiques sont impressionnantes. Le premier Dylan est né en 1971 en France. En 1990, seuls 328 garçons naissent avec le prénom Dylan. Entre 1993 et 1994, le nombre de Dylan passe de 1’600 à 4’600. En 1996, le pic est franchi avec presque 7000 naissances en France !
Ca me rappelle un autre beau gosse : Kevin Costner. Il y a eu « Danse avec les loups » en 1991, puis « Body guard », puis toutes les femmes ont fait des petits babies prénommés Kevin. En 1991, 14’000 Kevin sont nés en France ! Les Kevin, comme les Dylan, sont donc des prénoms générationnels. Tous les Kevin ont eu d’autres Kevin dans leur classe, comme les Dylan. Mais quand les Kevin ont commencé à grandir, leurs ennuis ont commencé : les intellos les ont regardés avec commisération, sans parler des profs qui considéraient avec dédain ces enfants qui avaient eu la malchance de naître dans une famille qui baptisait ses enfants en regardant les séries américaines, et de grandir avec une mère midinette dont l’horizon social se limitait aux boys bands acnéiques. Kevin et Dylan sont devenus synonymes de la beaufitude absolue. A CV égal, un Kevin, un Dylan ou une Cindy, équivalent féminin des précédents, voyaient leurs chances de se faire embaucher fondre par rapport à un Jacques ou à un Paul. Les Kevin, Dylan ou Cindy pouvaient devenir prof de fitness, esthéticienne ou vendeur en assurance, mais intellectuel, impossible. Au point qu’un des romans français les plus hilarants de l’années 2015, signé de l’écrivain Iegor Gran, s’intitulait « La revanche de Kevin »
Or, depuis la semaine dernière, mon ostéo s’appelle Kevin. Je ne pensais pas que cela m’arriverait un jour. Mais voilà: le destin de mon dos, donc de mon bien-être, de mon humeur et d’une partie de ma vie, dépend d’un Kevin.
C’est que les Kevin, les Cindy et les Dylan ont grandi.
Du coup, je dois m’y faire. Confier mon dos, mon bien-être, donc mon humeur et une partie de ma vie à un Kevin. Ça demande un sacré effort sur soi-même. Une reprogrammation mentale express. Une révision immédiate et totale de ses jugements à l’emporte-pièce. Une lutte contre sa méfiance instinctive. C’est un excellent exercice de réconciliation avec le monde. Accessoirement, avec son dos. C’est énorme.
Et là, cette semaine, on voit même que les Dylan, tout comme sans doute les Kevin et les Cindy, peuvent mourir, d’un coup, sans prévenir, sans même devenir vieux. Ça rend tolérant, d’un coup. Alors promis, le jour où ma fille me présentera un Kevin, ou un Dylan, ou une Cindy, allez savoir, je ne commencerai pas par demander s’il a passé son bac.