L'Ecographie de François Schaller.
La faillite de la banque Lehman Brothers a tout juste dix ans. Jean-Claude Trichet, ancien président français de la Banque centrale européenne, a mis en garde hier contre les risques de répétition. Difficile de ne pas accorder de crédit à des déclarations venant d’aussi haut…
Difficile en effet, mais il ne faut pas non plus prendre ces mots au premier degré. Et il y a en aura certainement d’autres d’ici la fin de l’année. Semaine après semaine, le secteur financier va revivre sa descente aux enfers de l’automne 2008. Celle qui a atteint le fond avec l’affaire Madoff de la mi-décembre.
D’ailleurs vous savez, la Banque des règlements internationaux à Bâle elle-même, la célèbre BRI, banque centrale des banques centrales, a fait elle aussi la lanceuse d’alerte a plusieurs reprises ces dernières années. On a finit par penser qu’elle allait forcément avoir raison un jour. Les pessimistes ne finissent-ils pas toujours par avoir raison ?
En fait, dans le secteur financier, tout le monde ou à peu près reconnaît que les niveaux d’endettement sont redevenus un très haut risque. Tout le monde ou à peu près pense qu’une crise financière de la profondeur de 2008 est possible à probable. La difficulté, c’est de prévoir quand et comment. C’est un peu cela qu’on aimerait que Jean-Claude Trichet nous dise.
Pour ce qui est de la cause de ce genre de crise en revanche, tout est clair : le système financier s’effondre lorsque la confiance qu’il inspire devient insuffisante. Il ne suffit pas non plus que la confiance soit un peu insuffisante. En 2008, c’est le cumul massif et précipité de deux grands doutes qui a complètement bloqué la machine :
La titrisation de la dette immobilière américaine la plus fragile en premier lieu. Le fameux subprime. Titriser, c’est mélanger les risques dans des produits financiers. Tous les produits financiers du monde sont tout d’un coup devenus suspects. On s’est mis à voir partout de la dette immobilière américaine pourrie.
En même temps, le groupe bancaire américain Lehman Brothers était lâché par le gouvernement. Cette faillite retentissante est venue rappeler brutalement qu’aucune institution financière n’était infaillible. Même à New York. Alors on s’est mis à voir des faillites bancaires imminentes partout dans le monde!
Aujourd’hui, les déséquilibres sont toujours là. Certains se sont même aggravés. Le surendettement public dans le monde développé en est un. Le surendettement privé dans le monde en rattrapage en est un autre. Et puis le déséquilibre des balances commerciales. Les guerres commerciales. Ou encore la concentration de capitaux en mains privées. L’instabilité politique. La réalité, c’est que le système financier semble immunisé contre tous ces risques identifiés depuis longtemps. C’est le surgissement simultané de nouveaux risques auxquels personne ne s’attend qui pourrait tout d’un coup miner la confiance. Et ils sont aujourd’hui inconnus. Alors ne me demandez pas d’en parler !...
Crédit photo : Nicholas Roberts. AFP