Les chiffres définitifs du chômage 2018 en Suisse sont sortis la semaine dernière. Ces sont les plus bas depuis longtemps. Mais les commentaires paraissent un peu empruntés par rapport à cette bonne nouvelle.
Oui, parce qu’elle paraît à vrai dire un peu incongrue. Elle tombe à un moment ou tous les autres indicateurs économiques sont en baisse. Il n’y a aucun doute à ce stade que l’année, cette année sera moins bonne que la précédente. Moins bonne même de 50% du point de vue de la croissance économique.
Le chômage devrait donc assez vite remonter.
Oui, il devrait. Mais attendons de voir. Parce que rien ne dit encore que l’on n’est pas tout de même dans l’exagération du pessimisme. C’est souvent le cas lors des retournements conjoncturels. Mais le plus probable, c’est effectivement que l’économie mondiale soit en fin de cycle. Et la Suisse en dépend beaucoup.
On se trouverait alors dans une sorte de timing conjoncturel décennique parfait. Parce que le cycle haussier aurait duré exactement dix ans. Depuis 2009. Avec un taux de chômage final à 2,6% aujourd’hui.
On a beaucoup entendu que c’était le taux d’avant la crise de 2008.
Oui, et c’était aussi en gros le niveau de chômage d’avant la crise économique qui a suivi l’éclatement de la bulle technologique. Au début des années 2000. Voilà : des phases de dix ans ! Alors on se dit que le chômage va peut-être remonter jusqu’en 2025, et redescendre ensuite pendant 5 ans.
2,5% serait une sorte de seuil incompressible en Suisse ?
Oui et non, parce qu’il y a eu de courtes exceptions. En 2000 et 2001 par exemple. On était descendu en dessous de 2%. Mais avec un taux de moins de 3%, en Suisse, la connotation dramatique du chômage disparaît. Il s’agit d’un taux normal entre guillemets. D’un chômage frictionnel comme l’on dit. C’est-à-dire qu’il reflète en gros les effets de transition en début et fin de vie professionnelle. Et lors de changements d’emploi.
Il y a aussi toute une controverse sur la réalité de ces chiffres.
Oui, mais je ne sais pas si l’on peut encore parler de controverse. On pourrait faire un gros livre avec tous les articles de presse qui ont été écrits à ce sujet. Sur le fait que le chômage des chiffres officiels en Suisse est un chômage au sens strict. Ce sont les chômeurs inscrits et indemnisés.
Le Bureau international du travail à Genève (BIT) a une définition plus large. Ce sont à ses yeux les gens qui cherchent du travail et seraient disponibles tout de suite. Le BIT estime ainsi que le chômage « réel » dépasserait 4% en Suisse. A comparer avec les 8% en moyenne dans la zone euro. Alors pourquoi pas.
Le problème, c’est qu’on ne sait pas très bien comment comptabiliser des chômeurs qui ne sont inscrits nulle part. En France, ce sont surtout des sondages qui établissent le chômage au sens du BIT. Mais en Suisse, on estime que le taux de chômage est une donnée bien trop sensible politiquement pour être déterminée de manière approximative. On s’en tient donc au sens strict. Sachant aussi que ce sont surtout les évolutions qui sont intéressantes. Mois après mois, année après année. Et de ce point de vue, que l’on soit 2,5% ou à 4% n’a pas beaucoup d’importance.
https://www.radiolac.ch/podcasts/economie-avec-francois-schaller-14012019-071438/