On apprend que les rémunérations des dirigeants d’entreprises cotées en Suisse sont en baisse sur une année. De 7,5%. S’agit-il d’une tendance ? Quel sens faut-il donner à ce genre de chiffre ?
Ce n’est certainement pas une tendance. Pour l’instant du moins. Les trois années précédentes avaient connu des progressions de plus grande ampleur encore. Il s'agit peut-être d’un simple ajustement à la baisse. Et puis il suffit de quelques changements dans certaines entreprises pour arriver tout d’un coup à 7% de variation su l’ensemble.
On se rend compte aussi que la somme de ces rémunérations est de 1,6 milliard de francs. Ça fait beaucoup tout de même.
Oui, ça semble beaucoup dit comme cela. Et il y a différentes manières de relativiser ce chiffre. Les consultants dePwC, qui ont réalisé l’étude, le mettent en relation avec les bénéfices réalisés par cette centaine d’entreprises. Près de 100 milliards de francs avant impôts. Donc les membres des directions et des conseils d’administration encaissent 1,6% de la marge nette.
On pourrait aussi se demander combien les employés dans le monde de ces cent entreprises suisses cotées recevraient si les dirigeants distribuaient leur rémunération. J’ai fait une estimation dont je vous passe le détail : le salaire des directeurs et administrateurs correspond en gros à 1000 francs par an et par personne employée. 1000 francs consenti par chacun pour être bien dirigé, en somme.
Ah, nous voilà bien avancés. On a quand même l’impression que les controverses sur les salaires des dirigeants sont aujourd’hui bien retombées.
Et dans l’ensemble des Etats développés. Surtout par rapport aux années d’après crise 2008. Noublions pas qu’en Suisse, nous avons voté deux fois en 2013. Ce qui avait passablement exacerbé le débat. Sur l’initiative contre les rémunérations abusives tout d’abord, en mars. Cette initiative dite Minder a été acceptée par plus de 65% des votants. Ça donnait droit aux actionnaires de s’opposer aux rémunérations des dirigeants. Certains l’ont fait depuis lors avec succès dans des assemblées générales, d’ailleurs. Mais ça reste assez rare.
En novembre 2013, on a ensuite voté sur l’initiative des jeunes socialistes demandant qu’aucun salaire ne soit plus de 12 fois plus élevé que le salaire le plus modeste de l’entreprise. Ça a été rejeté cette fois à 65%.
Est-ce que ça veut dire que les Suisses acceptent mieux les hauts salaires aujourd’hui ?
Peut-être, mais la fronde pourrait revenir dans d’autres circonstances. En attendant, les Suisses savent que leurs dirigeants d’entreprises sont les plus internationalisés et les mieux payés du monde. C’est peut-être ce qu’il faut pour être la dixième puissance économique avec 8 millions de résidents seulement (l’Union Européenne comptant pour une).
Et puis vous savez, les grands dirigeants d’entreprises sont un peu des gagne-petits à côté des champions de golf, de basket, de football, de tennis. Ou à côté des stars d’Hollywood. Personne ou à peu près ne s’offusque des rémunérations de ces demi-dieux. Et diriger une multinationale, dans le fond, c’est vrai que ça demande aussi pas mal de talent.