Marie, aujourd’hui, vous allez nous parler de Jean-Luc Mélenchon.
Ce Monsieur, longtemps élu socialiste et désormais chef de file des Insoumis, a littéralement pété un boulon, comme on dit chez moi. Je suis sûre que beaucoup de Suisses ont vu ses vidéos sur les réseaux sociaux ces derniers jours mais je vais résumer les faits rapidement. Tout a commencé mardi 10 octobre, quand la police vient perquisitionner les locaux de la France insoumise ainsi que le domicile de Mr Mélenchon. Celui-ci met en scène son mécontentement devant les caméras. Il se met à hurler, veut défoncer la porte, et clame être un parlementaire, donc quelqu’un de sacré.
Mais cet homme sacré, comme d’autres députés sacrés d’ailleurs, fait l’objet de deux enquêtes, la première pour soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen, la deuxième pour des irrégularités dans ses comptes de campagne. Ce que Méluche condamne chez ses concurrents, il le fustige donc quand il s’agit de lui. Il est irrité. A tel point que le lendemain, mercredi donc, face à une question d’une journaliste, il ne se contrôle plus et lâche : « qu’est-ce que ça veut dire », en tentant d’imiter l’accent toulousain de la dame. Puis de demander sournoisement à l’assemblée, « quelqu’un a-t-il une question formulée en français ? »
Quelle violence verbale. Quel mépris. De la part d’un parlementaire qui matraque vouloir représenter le peuple modeste, le peuple oublié, par rapport aux nantis de la République, c’est plus qu’un lapsus, c’est une énorme connerie politique. Jean-Luc Mélenchon, pour éviter de répondre aux accusations dont il fait l’objet, singe la professionnelle qui l’interroge pour faire son travail de journaliste. Il ridiculise les intonations de sa voix, et par delà aussi ses origines.
Et bien tout cela, s’appelle la glottophobie, c’est-à-dire le fait de discriminer quelqu’un via son accent.
La glottophobie est très très répandue, surtout dans un pays comme la France, qui s’est construit en écrasant les spécificités régionales. Un accent, qu’il soit du Sud ou pas, renvoie toujours à la Province, à la campagne, à ce qui n’est pas la capitale. Cela peut être exotique, drôle, mais la vérité, c’est que cela ne fait pas très sérieux, comme l’expliquent les linguistes qui analysent le phénomène. C’est pour ça que le JT, en France est présenté avec un accent parisien, tandis que pour la météo, des intonations régionales sont acceptées.
Pour bien connaître le sujet, Philippe, je peux vous dire que les glottophobes sont partout. Même si la plupart du temps, ils ne sont pas méchants. Si je commande un verre de vin, le serveur glottophobe mimera ma manière de dire « Vin » en riant. Puis, voyant ma mine déconfite, il dira sûrement : « oh mais ce n’est pas pour me moquer, vous savez, j’adore le sud, ça me fait penser au soleil ».
Certes, tu aimes le Sud, mais ça te fait marrer, quoi. Toi, avec ton accent parisien, ou vaudois, tu peux pas me laisser parler sans m’interrompre pour souligner à quel point ma langue est bizarre. Et si moi, je faisais pareil avec ton accent, à toi, tu en penserais quoi ? Parce qu’à la longue, tu sais, c’est pénible, de se faire renvoyer à son accent, qu’on n’a pas choisi. Ce n’est pas parce que je dis « pain » au lieu de « pain », que c’est pour rire. On n’est pas au cirque. Ma langue, c’est moi.
Dans mon école de journalisme, on m’avait dit clairement qu’à cause de mon accent je ne pourrai jamais faire de la radio. Si mes imbéciles de profs de l’époque m’écoutent aujourd’hui, j’aimerais bien qu’ils s’étouffent avec leur café. Parce que maintenant j’en fais, de la radio, et toujours avec accent ! Allez, Sans rancune.