Les week-ends se suivent et se ressemblent à Genève. La pluie, le vent, la météo frigorifiante ne peuvent rien contre cet engouement populaire pour le plein air. Notre ville vit dehors, c’est confirmé, comme le localier qui vous parle. Ils étaient plus de 40 000 à chauffer le pavé il y a deux semaines sur le parcours de l’Escalade. Ils étaient plus de 2000 ce dimanche, jour du Seigneur de la baignade en hiver, à se jeter dans le lac tout habillés ou, pour certains, en tenue adamique, exhibant, sans gêne ni entrave vestimentaire, leur costume de bain simplifié.
Entre les deux dates, un marché de Noël qui ne désemplit pas aux Bastions. Ce parc est chaque jour pris d’assaut, quel que soit le temps. Les allées sont noires de monde, les stands et les bars-terrasses investis comme un week-end estival de Fête de la musique. Succès phénoménal et mérité. Les événements extérieurs, qui se succèdent à un rythme soutenu à l’approche des fêtes, additionnent leur public sans se concurrencer. Emulation festive au ras du bitume.
Emulation sportive aussi. En moins de dix minutes chrono, tous les bonnets à disposition pour la Coupe de Noël se sont arrachés. Dans l’eau, dimanche matin dès 9h, les champions de l’inscription en ligne; sur la terre ferme, les recalés qui ne savent pas encore qu’Internet est le nouveau sésame pour en être ou pas.
The place to swim, dans une eau à 7 degrés réunissant une journée entière des organismes bien entraînés. Ce ne sont pas les nageurs du dimanche qui se mettent à la flotte. Ils ont préparé leur course, les défaillances sont rares, les bateaux de sauvetage sillonnent la rade sans avoir à embarquer des nageurs en détresse.
L’organisation de cette compétition annuelle impressionne par son professionnalisme, exactement comme la Course de l’Escalade. Les bénévoles sont partout aux affaires, les participants sont aux petits soins. On les encadre, on les encourage, on a chauffé pour eux le pont supérieur du Bateau Genève qui leur sert de vestiaire lacustre.
Surtout, on leur a construit un jacuzzi géant dans le Jardin anglais, où ils se retrouvent après l’effort. Cette promiscuité humaine illustre à merveille le vivre ensemble, prôné par nos élus à la fibre sociale, décrit par les experts de la sociologie urbaine. Une centaine de personnes, là en permanence, immergés dans un bassin circulaire chauffé au bois. Pour tous, un 36 degrés amical, la récompense assis, cuisse conte cuisse, dans une baignoire conviviale.
Ce mélangisme des corps suscite l’attraction. La nuit n’est pas encore tombée qu’il tient déjà la vedette sur les réseaux sociaux. On y voit des visages détendus et hilares, des jolis thorax couleur pêche, des bras qui ressemblent à des pinces de homard, selon comment l’épiderme de chacun réagit au choc thermique.
Ce portrait de groupe décomplexé jure un peu avec les gilets jaunes qui, sur l’écran voisin, la veille au soir, se faisaient arroser au canon à eau dans les rues de Paris. Mon smartphone embarqué me raconte les deux en temps presque réel, l’espace d’un week-end plein de contrastes. C’est le dehors qui fait l’actualité, une fois de plus, c’est lui qui dicte le sommaire quotidien, été comme hiver.