Les humains, et les politiques plus que les autres, n’aiment pas la transparence. Pour la simple et bonne raison qu’elle touche, d’une certaine manière, leur intimité.
Imaginez-vous sous surveillance constante. C’est déjà le cas d’une certaine manière par les réseaux sociaux, sur lesquels vous êtes tracés en permanence, et autres caméras dont l’existence est plus ou moins annoncée, aussi bien sur territoire public que privé. Une chose est certaine, la révolution numérique repousse le cercle intime dans ses tout derniers retranchements. Car volontairement ou par méconnaissance, on ne cesse de donner des informations sur sa vie invite, quand on ne les divulgue pas avec des photos. Et pourtant tout cela se passe dans une société qui n’a jamais autant manifesté la défense de son droit à l’image.
Donc la transparence existe dans les faits
Mais elle n’est assumée qu’au gré des envies, ou de la prise de conscience d’un comportement. Les représentants politiques, et de manière plus générale tous ceux qui assument une forme d’autorité, rechignent par principe à appliquer ce principe. Car il est généralement interprété comme une forme d’épée de Damoclès. Paradoxalement, l’élu se pare de la légitimité de son élection pour s’opposer, lorsqu’il perçoit un contrôle comme intrusif.
Comment pouvez-vous l’affirmer ?
Les exemples son légion. La création de lois sur l’information, pour ne prendre que ce domaine, ont donné lieu à de longues négociation. Et l’application pratique est à géométrie variable. Lorsque l’autorité à un intérêt à informer –d’autant plus que le sujet est valorisant pour elle- pas de problème. Lorsque le simple citoyen, ou son pair initié, à l’instar du journaliste, pose des questions délicates, l’autorité et l’administration se ferment comme un huître. Et pourtant, le nombre de documents publics à disposition du simple citoyen est une véritable liste à la Prévert. Je ne parle bien évidemment pas ici des affaires et documents couverts par un secret d’enquête ou le sceau de la confidentialité.
Le travail d’une Cour des comptes se justifie donc
Les révélations de l’organe de contrôle genevois sur les notes de frais du Conseil administratif de la Ville de Genève en témoignent. Autant d’ailleurs que la première réaction des élus, qui a consisté à consulter un avocat. Je n’ai pas du tout été étonné par cette attitude de vierges effarouchées. La seule création de Cours des comptes, là où elles existent, a été le résultat d’un véritable gymkhana. En effet, les majorités gouvernementales, de gauche comme de droite, estimaient qu’une commission des finances et une commission de gestion, doublées par un Contrôle cantonal des finances pour prendre l’exemple du Canton de Vaud, suffisaient.
Cette institution est très utile
Sans conteste, inscrite dans la nouvelle Constitution vaudoise, la Cour des comptes fête cette année ses dix ans d’existence. Les trois magistrats et leurs collaborateurs ont démontré leur utilité en révélant de nombreux disfonctionnements, qui vont de l’absence de mandat de prestations aux compagnies de transports publics qui bénéficient de centaines de millions de francs au manque de transparence –tiens donc !- des associations intercommunales. Car à la différence du Contrôle cantonal des finances, la Cour des comptes publie systématiquement l’intégralité de ses rapports et des annexes, y compris la réaction des autorités incriminées, ce qui en dit parfois long sur leur capacité à accepter la critique.
Cette culture de transparence peine malgré tout à s’établir
Les résistances sont en effet très fortes. Les électeurs de certains cantons suisses, à l’instar de Fribourg, ont voté pour la transparence du financement des partis. Les socialistes jouent un rôle très actif dans ce domaine. Avec le risque toutefois de se retrouver dans la situation de l’arroseur arrosé. La révélation du financement de la campagne de la conseillère aux Etats vaudoise Géraldine Savary, et son co-listier d’alors, le Vert Luc Recordon, par un grand industriel établi dans le canton de Vaud, a jeté un froid dans le parti. Et le conseiller national valaisan Mathias Reynard a beau répéter qu’on par des dons supérieurs à 10 000 francs, la confiance du peuple envers les Messieurs Propres de la politique suisse est entamée.