Il s’est donc autoproclamé Président de la République du Venezuela.
Juan Guaido, député de 35 ans porté le 5 janvier dernier à la tête du parlement vénézuélien, était un illustre inconnu il y a quelques semaines encore.
Il n’en a pas moins été aussitôt reconnu Président du Venezuela en lieu et place du chaviste Maduro par l’administration Trump.
Autant dire que la ficelle est un peu grosse… Selon la jolie formule du Ministre des affaires étrangères vénézuélien, « les Etats-Unis ne sont pas derrière le coup d’état, ils sont devant » !
J’ai toutefois bien dit l’administration Trump, et non Trump, car je ne serais pas étonné que ce dernier ait plutôt choisi de lâcher du lest à son « Etat profond » viscéralement interventionniste et impérialiste, alors qu’il ne s’intéresse lui-même qu’à la situation intérieure des Etats-Unis…
De fait, c’est essentiellement le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, faucon néoconservateur impénitent, qui est monté au créneau, déclarant au sujet de l’ouverture de procédures judiciaires au Venezuela que ceux qui « tenteraient de saper la démocratie et de nuire à Guaido feront face à de graves conséquences »…
La Cour suprême du Venezuela vient de lever l’immunité parlementaire de Guaido et de lui interdire de quitter le pays.
Il semble en effet que le coup d’état de Guaido ait fait long feu.
Alors qu’il avait promis l’« amnistie » aux militaires qui accepteraient de rompre les rangs, ceux-ci ont rapidement manifesté leur totale loyauté à leur Comandante en Jefe Nicolás Maduro :
« Les forces armées bolivariennes du Venezuela, fidèles aux traditions héritées du Libérateur Simon Bolivar, n’accepteront jamais un président imposé par des intérêts obscurs, auto-proclamé et hors-la-loi. Elles ne se subordonneront jamais à une puissance étrangère ou à un gouvernement qui ne serait pas élu de façon démocratique par le peuple du Venezuela » a déclaré le Ministre de la défense.
Et à présent, c’est à la Cour suprême de manifester sa loyauté à Maduro, ce qui est tout de même fâcheux pour les soutiens de Guaido présenté comme le champion de l’Etat de droit…
Quant à la défense de la démocratie invoquée par Bolton, voilà qui prête franchement à rire.
Tout d’abord, Maduro a été réélu très largement en mai 2018, avec plus de 67% des voix.
Certes le taux d’abstention a atteint un record de 52% – c’est toujours moins que les 58% d’abstention lors des législatives de 2017 en France – mais cette faible participation s’explique par l’appel au boycott de l’élection présidentielle par les anti-chavistes.
Il est difficile après ça pour l’opposition de se réclamer de la démocratie, alors même qu’elle avait remporté très démocratiquement les dernières élections législatives, ce qui explique aujourd’hui son contrôle du parlement…
Ce qui saute aux yeux dans cette affaire, ce sont évidemment les enjeux géopolitiques.
Avec 301 milliards de barils, le Venezuela détient les plus grandes réserves connues de pétrole brut au monde, devant l’Arabie Saoudite, l’Iran ou l’Iraq…
Interrogé sur la chaîne américaine Fox Business le 24 janvier, John Bolton a ouvertement déclaré que ce serait très bien pour les Etats-Unis si les compagnies américaines pouvaient produire et investir dans les capacités pétrolières du Venezuela : « It would make a big difference for United States ! »
Une fois de plus, la démocratie est bien le cadet des soucis des neocons…
Mais cela n’a pas empêché Macron de jouer son rôle de boute-en-train : « Après l’élection illégitime de Nicolás Maduro, l’Europe soutient la restauration de la démocratie » – oui, Macron parle au nom de l’Europe à présent… « Je salue le courage des centaines de milliers de Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté » a-t-il eu le front d’écrire sur Twitter.
On lui répondra comme l’a fait le Ministre des affaires étrangères vénézuéliennes à l’ONU : vous qui avez peur de votre propre peuple, mêlez-vous plutôt de vos affaires !
https://www.radiolac.ch/podcasts/les-signatures-31012019-084959/