L'internement à vie de Claude D., reconnu coupable d'avoir tué Marie près de Payerne (VD) en 2013, est annulé par le Tribunal fédéral. Les conditions légales ne sont pas remplies vu l'avis divergent des experts psychiatres.
Dans un arrêt rendu le 26 février 2018, le Tribunal fédéral (TF) admet partiellement le recours du condamné. La loi exige pour l'internement à vie que la Cour puisse se fonder sur deux expertises indépendantes qui qualifient "l'auteur de durablement non amendable."
Selon la jurisprudence, rappellent les juges de Mon Repos, est "durablement non amendable" celui qui est inaccessible à un traitement pour toute sa vie. Devant la Cour d'appel du Tribunal cantonal vaudois, un des deux experts mandatés a estimé qu'on ne peut pas, en psychiatrie criminelle, poser des pronostics "à vie" sur les possibilités de traitement.
Les experts n'étant donc pas unanimes sur ce point capital, c'est à tort que le Tribunal cantonal a prononcé l'internement à vie contre Claude D., estime le TF. Il a donc renvoyé l'affaire à la justice vaudoise afin qu'elle rende une nouvelle décision sur ce point.
A défaut d'internement à vie, les juges pourront prononcer un internement simple, qui peut être réexaminé à intervalles réguliers. L'internement à vie ne pouvant être revu que si de nouvelles connaissances scientifiques laissent entrevoir des perspectives de traitement.
Comme le mentionne le TF lui-même dans ses considérants, la réclusion à perpétuité peut aboutir dans certains cas à ce que le détenu ne sorte pas de prison. Ainsi, une libération conditionnelle n'est possible qu'après 15 ans et moyennant un pronostic favorable. S'il est toujours considéré comme dangereux, le prisonnier reste enfermé.
Assassinat confirmé
Pour le reste, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation pour assassinat ainsi que la peine de détention à perpétuité prononcées en 2016 contre Claude D. Il retient que la Cour d'appel n'a pas violé le droit en retenant l'absence particulière de scrupules caractéristique de l'assassinat. De même, les juges cantonaux ont considéré à juste titre au moment de fixer la peine que l'auteur ne pouvait pas invoquer une diminution de sa responsabilité.
Claude D. avait été condamné en 2016 par le Tribunal criminel de la Broye et du Nord vaudois pour assassinat, séquestration, enlèvement et contrainte sexuelle notamment, pour avoir tué la jeune Marie dans la nuit du 13 au 14 mai 2013. Âgé alors de 36 ans, l'homme était en liberté conditionnelle. Il avait écopé de 20 ans de prison en 2000 pour l'assassinat de sa première amie.
Le TF et l'internement à vie
Interrogé par l'ats, l'avocat de la famille de Marie déplore que les victimes aient été tenues à l'écart de cette procédure au TF. "Cette situation, quoique légale, est d'évidence choquante, surtout à l'heure où la voix des victimes, même pour des affaires d'une gravité moindre qu'un assassinat, est de plus en plus prise en considération", réagit Me Jacques Barillon.
"Nous avons recouru contre plusieurs points du jugement, explique de son côté Me Loïc Parein qui défendait Claude D. aux côtés de sa consoeur Me Yaël Hayat. Certains ont été rejetés par le TF qui a jugé que l'appréciation du TC était soutenable." Mais pour l'avocat vaudois, la question de l'internement à vie était sans conteste le point central: "Tout le monde attendait la position du Tribunal fédéral."
La haute cour s'est penchée à plusieurs reprises sur l'internement à vie mais ne l'a jamais confirmé jusqu'à présent. Seul un jugement concernant le meurtrier d'une callgirl à Märstetten (TG) en 2010 est entré en force car il n'a pas été porté devant le TF. (arrêt 6B_35/2017 du 26 février 2018)