L'angiographie post-mortem combinée aux autopsies "classiques" pourrait améliorer les résultats des enquêtes criminelles. Des chercheurs lémaniques montrent qu'elle permet d’identifier jusqu'à 90% des constatations effectuées sur un corps, contre 61% pour l'autopsie.
Une analyse post-mortem de haute qualité est essentielle pour de nombreuses raisons. Lors d’enquêtes criminelles, le corps détient la preuve principale d’un crime. Et dans les hôpitaux, c’est un très bon moyen de contrôler la qualité des interventions chirurgicales et des traitements médicaux réalisés avant le décès.
Les techniques d’imagerie moderne telles que la tomodensitométrie (CT) ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont de plus en plus utilisées en médecine légale. Cependant, l’utilisation des scanners sur des cadavres est limitée par des contrastes insuffisants dans les tissus mous et une mauvaise visualisation du système vasculaire.
La technique de l'angiographie - ou imagerie des vaisseaux sanguins - post-mortem par CT (PMCTA en anglais) a été développée dans le but de résoudre ces limitations en introduisant un agent de contraste dans le corps, ont indiqué mardi dans un communiqué commun les hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et Lausanne (CHUV).
500 cadavres analysés
"L’idée de la PMCTA est de créer une circulation sanguine artificielle en appliquant une perfusion post-mortem au système vasculaire", explique Silke Grabherr, professeure au Centre universitaire romand de médecine légale et auteure principale de l’étude. Le cœur est remplacé par un dispositif similaire aux machines cœur-poumon utilisées lors d‘une opération chirurgicale à cœur ouvert.
Afin d’évaluer les performances de la PMCTA, la Pre Grabherr ainsi que des confrères de neuf autres centres européens ont réalisé des autopsies conventionnelles sur 500 corps humains également soumis à la PMCTA afin de comparer les résultats.
Tous les scans réalisés ont été interprétés par une équipe expérimentée constituée d'un médecin légal et d'un radiologue qui n'avaient pas connaissance des résultats de l'autopsie. Les autopsies ont été réalisées le jour même de la PMCTA ou le lendemain.
Alternative aux autopsies invasives
Résultats: après l’examen des 500 corps, 18'654 constatations ont été enregistrées. Sur ce total, 90% ont été effectuées grâce à la PMCTA, contre 61% pour les autopsies. La PMCTA n’a manqué que 10% des lésions juridiquement essentielles, tandis que l’autopsie est passée à côté de 23% d’entre elles.
"Cette méthode pourrait être une alternative aux autopsies invasives, lorsque l’ouverture du corps n’est pas possible", explique la Pre Grabherr. "Cela offre de nouvelles possibilités de recherche, par exemple dans les pays où une autopsie conventionnelle n’est pas admise ou dans le cas où la famille refuse l’autopsie".
Les résultats de la PMCTA se sont avérés significativement supérieurs à ceux de l’autopsie pour l’identification de lésions squelettiques et vasculaires ou de parties endommagées dans les os et les vaisseaux sanguins. La méthode a permis d’identifier 96% des lésions squelettiques et 94% des lésions vasculaires alors que l’autopsie n’a permis d’en identifier que 65%.
Morts violentes
Or ces lésions peuvent fournir d’importantes informations. "La combinaison de lésions osseuses et de lésions vasculaires est principalement observée pour des morts violentes comme lors de chutes, d’accidents de la route, de traumatismes balistiques ou par arme blanche en cas d’homicides et de suicides", précise la spécialiste.
"Cela veut dire que la PMCTA est un excellent choix et peut être utilisée avec ou sans autopsie conventionnelle pour enquêter sur ce genre de cas", selon elle. Les meilleurs résultats sont en effet obtenus en combinant les deux méthodes, écrivent les scientifiques dans leurs conclusions.
Dans le futur, le groupe de recherche prévoit d’étudier la combinaison de la PMCTA et de l’IRM dans le but d’augmenter la précision des résultats pour les organes tels que le cerveau et le foie. Ces travaux sont publiés dans la revue Radiology.